mardi, mars 29, 2005

Huntington, conservateur courageux

Le dernier ouvrage de Samuel Huntington, « Qui sommes-nous ? » (Odile Jacob, 2004), a suscité de violentes polémiques. L’auteur a été traité de raciste parce qu’il critique le cours qu’a pris l’immigration latino, principalement mexicaine, aux Etats-Unis. L’accusation témoigne surtout d’une perte de sang-froid face à un ouvrage gonflé de faits, de chiffres, d’analyses et parfois même de slogans ; « Il n’existe pas de rêve américano. Il n’y a qu’un rêve américain, créé par une société anglo-protestante.». La tentative de Huntington est en réalité courageuse et nécessaire. Elle consiste à traiter sérieusement de la question qui va désormais obséder les sociétés occidentales : celle de l’immigration massive de populations pauvres issues de cultures et de religions différentes. Cette immigration modifie profondément et risque même de disloquer les identités nationales.

On peut donc considérer qu’avec son précédent ouvrage, « Le choc des civilisations », « Qui sommes-nous ? » forme un diptyque. Le premier porte sur les dangers qui menacent les pays occidentaux dans la vie internationale, le second dans leur vie nationale. Et il est fort possible que le deuxième ouvrage, qui est à sa manière une histoire des Etats-Unis, vieillisse aussi bien que le premier.

Qui sommes-nous ou plutôt qui sont-ils les Américains ? Un peuple d’immigrants répond-on habituellement. Avec d’autres, Huntington s’inscrit en faux : les Américains sont un peuple de colons qui ont quitté une société existante pour en fonder une autre, une « cité sur la colline » dans un pays lointain. Or ce sont les colons qui orientent de manière décisive les valeurs de la société. « L’Amérique serait-elle le pays qu’elle est aujourd’hui si, au XVII° et XVIII° siècles, elle avait été colonisée non par des protestants britanniques, mais par des catholiques français, espagnols ou portugais ? La réponse est non. L’Amérique ne serait pas l’Amérique, elle serait le Québec, le Mexique ou le Brésil. »

Le plus grand succès de l’Amérique WASP (White Anglo-Saxon Protestant) a été sa capacité à, intégrer des dizaines de millions d’immigrants d’abord européens puis venus du monde entier. Cela a permis à l’Amérique d’être une puissance majeure sur la scène mondiale « grâce à des millions de gens scrupuleux, dynamiques, ambitieux et talentueux, devenus massivement dévoués à la culture anglo-protestante et aux valeurs du Credo américain. »

Or, constate avec inquiétude Huntington, c’est ce modèle qui est en crise avec la montée en puissance, depuis le milieu des années 60, des identités infra-nationales : ethniques, culturelles, raciales, sexuelles, régionales…L’idéologie multiculturaliste et déconstructionniste leur assure, au moins dans les élites, une forte légitimité. L’explosion des appartenances bi-nationales en est un symptôme fort qui permet à leurs heureux bénéficiaires d’avoir le beurre et l’argent du beurre : ils « cumulent les chances, la richesse et la liberté que leur offre l’Amérique et la culture, les liens familiaux et les réseaux sociaux de leur pays natal. » Mais au final, cette victoire du multiculturalisme s’accompagne de la dissolution pure et simple de l’identité américaine c'est-à-dire aussi de sa capacité à intégrer les immigrants pour en faire des Américains.

De ce point de vue l’immigration mexicaine présente, d’après Huntington, des caractéristiques inquiétantes : elle est massive et très souvent irrégulière ; elle se caractérise par un regroupement dans des Etats qui appartenaient au Mexique avant les guerres des années 1830 et 40 donnant à cette installation un air de reconquista ; enfin, sans souci de devenir Américains, beaucoup de Mexicains vivent entre eux et ne parlent que l’espagnol. Cette situation crée une menace potentiellement grave pour l’intégrité culturelle voire politique des Etats-Unis.

Le livre comporte de passionnants développements sur la véritable « croisade sociale » mise en place dans les années 20 pour favoriser l’intégration à commencer par l’apprentissage de la langue anglaise : « ceux qui travaillaient dans des foyers d’immigrants, les éducateurs, les réformateurs, les hommes d’affaires et les dirigeants politiques, notamment Théodore Roosevelt et Woodrow Wilson, ont tous encouragé ou activement participé à cette croisade. » Il évoque aussi des questions désormais débattues en France comme la discrimination positive dont Huntington pense qu’elle doit demeurer limitée dans le temps. Or les deux principaux défis que les sociétés européennes ont à relever, dans un environnement alourdi par le terrorisme islamiste, sont cruciaux : intégration de vastes minorités et maîtrise des flux migratoires. Les Etats-Unis ont une immense expérience dans ce domaine. Il ne s’agit pas de les copier. Mais il faut espérer que la majorité des européens ont cessé de voir l’Amérique comme un pays raciste où la situation des Noirs n’aurait pas changé depuis les années 60 et vont comprendre que l’expérience américaine peut constituer une source essentielle d’inspiration pour affronter les enjeux actuels. On attend le Huntington européen qui saurait, avec le même courage, nous aider à savoir qui nous sommes.

Paul Ink le 28 mars 2005

lundi, mars 28, 2005

Sur le racisme anti-blanc

La chronique du médiateur, Robert Solé, dans Le Monde en ligne du 26 mars 2005 mérire d'être lue avec attention. Elle signe en effet la reconnaissance d'un heureux changement de ligne du journal sur les problèmes de racisme et plus généralement sur la manière dont il faut rendre compte des questions ethniques dans le quotidien vespéral. Que dit en effet Robert Solé qui est, par ailleurs, bien placé pour juger de l'exaspération de nombreux lecteurs du Monde devant la manière dont le journal a rendu compte des questions ethniques depuis plusieurs années : nous nous sommes trompés, nous avons voulu, pour la bonne cause, cacher la vérité de crainte de favoriser le Front National.

Certes, quelques opinions sont bien citées par Solé qui dénoncent la manière dont le journal a rendu compte des actes commis durant les récentes manifestations lycéennes en les caractérisant comme du racisme anti-blanc mais le sens général du papier ne fait aucun doute. Ceux qui lisent le médiateur savent qu'il doit être soulagé d'écrire cela : il semblait peiner de plus en plus à défendre la ligne officielle du journal, ligne qui peut se résumer ainsi : la société multi-ethnique est un paradis, en conséquence toutes les informations qui pourraient faire croire qu'il n'en est pas strictement ainsi sont les malvenues.

La société multi-ethnique est certainement notre avenir, bon ou mauvais, mais si l'on ne veut pas courir à la catastrophe, il faut :
- cesser de faire une apologie béate de tout ce qui ressemble au métissage;
- rendre compte de ce qui se passe effectivement plutôt que le censurer et, en conséquence, considérer que les peuples européens ont le droit de débattre librement des questions liées à l'immigration et aux minorités visibles;
- considérer que cette question est une des plus importantes qui soient
qu'elle est inédite dans l'histoire du monde à l'exception de la société américaine dont nous devrions étudier les réussites comme les échecs;
- comprendre que la lutte contre les discriminations dont sont victimes les blacks et les beurs ne peut progresser que si sont aussi dénoncées les violences dont certains d'entre eux se rendent coupables.

Au moment où Le Monde change enfin de position sur la question cruciale des vuiolences aux personnes, plusieurs personnalités parmi lesquelles Bernard Kouchner et Jacques Julliard viennent de lancer un appel contre le racisme anti-blanc. Comment expliquer ce changement ? S'y mêlent la nouvelle vision du monde depuis le 11 septembre, certaines leçons du 21 avril 2002 et qui montrent que la société française ne supporte plus la montée de l'insécurité et des violences, les dérives intégristes de l'Islam, la montée de l'antisémitisme sans oublier ce qui s'est passé dans certains pays européens à commencer par les Pays-Bas après l'assassinat de Théo van Gogh. Ce qui est nouveau et qui malheureusement résonne avec les délires antisémites et racistes de Dieudonné c'est la surreprésentation des noirs et non plus des beurs dans ces violences.

Comme il aura fallu du temps, néanmoins, pour que des condamnations aussi élémentaires soient portées et les actes désignés pour ce qu'ils sont. Il y a quelques années je parlais à l'un des signataires de cet appel du dernier livre du grand journaliste Christian Jelen mort en 1998, "La guerre des rues" (Plon, 1999). Il me répondit : "Jelen est devenu réac." Ayant dit cela, il avait tout dit. Et pourquoi Jelen était-il devenu réac ? Pour les mêmes raisons, exactement les mêmes qui font que son détracteur d'hier signe aujourd'hui cet appel. A moins qu'il ne soit lui aussi "devenu réac". Et Malek Boutih qui dénonce les caïds de banlieue, est-il lui aussi réac ? Et l'appel intitulé "Nous sommes les indigènes de la République", est-il progressiste ou obscurantiste et mensonger qui veut jouer la lutte des classes avec les oripeaux de la guerre des races ?

L'homme blanc est secoué d'un interminable sanglot, sa culpabilité est immense, ses péchés innombrables mais son masochisme gagnerait à n'être pas sans fond. Il a aussi inventé les Droits de l'homme, la démocratie, la liberté religieuse, l'anti-racisme et l'égalité des sexes. Et sont racistes ceux qui n'ont pas compris, qu'au delà des vicissitudes historiques, ces valeurs fragiles appartiennent désormais à l'humanité.

Paul Ink le 28 mars 2005

lundi, mars 21, 2005

Constitution : tu veux ou tu veux pas ?

Un deuxième sondage donne le "non" vainqueur au référendum sur la Constitution européenne. La campagne est lancée. Quelques remarques en vrac. Tout d'abord, je suis comme 99% des Français dans l'ignorance complète du contenu de cette fameuse Constitution. Il serait temps que les partisans du "oui" fassent preuve d'un peu de pédagogie. D'autant que chacun, au moins dans les sondages, vote selon son humeur :

- "Etes-vous content en ce moment ?"
- "Non !"
- "Eh bien ! Vous savez comment voter au référendum !"

Comme le faisait remarquer un partisan du "oui", on ne devrait jamais organiser de référendum sauf si 1) on est certain de le gagner 2) on est obligé de l'organiser. Chirac doit se dire qu'il aurait mieux fait de réunir les chambres en Congrès !

Au point où en sont les choses, le seul qui ait manifesté un peu de pédagogie, c'est Nicolas Sarkozy qui a fait bruyamment savoir que voter "oui", ce n'était pas soutenir l'entrée de la Turquie dans l'Europe. Aura-t-il à expliquer bientôt que voter oui ne veut pas non plus dire que l'on applaudit à la directive Bolkestein ?

Où l'on se rapproche du coeur de la question. Le "non" vient essentiellement de la gauche. Et l'on a donc envie de dire à François Hollande qu'il est difficile de passer son temps à diabolisr le "libéralisme" et d'appeler à voter "oui" à la fameuse Constitution. Tandis qu'il s'affiche avec Nicolas Sarkozy sur la couverture de "Match", Jean-Luc Mélenchon préfère la compagnie de Marie-Georges Buffet pour appeler à voter "non". Quel est celui des deux qui apparaît comme le véritable homme de gauche ? Hollande serait tombé dans un piège qu'on ne serait pas stupéfait. Finalement l'absence d'un Bade-Godesberg français fait sentir ses effets jusqu'à aujourd'hui. Même si le PS n'a plus pour ambition de "rompre avec le capitalisme", il maintient toutes sortes d'ambiguités sur le marché, la concurrence, la compétitivité. Cela pourrait finir par lui coûter très cher.

Il est vrai que le projet européen est devenu illisible. L'élargissement était nécessaire pour signifier le dépassement du rideau de fer et du glacis soviétique. Mais l'affaire turque est venue tout compliquer et le projet Bolkestein est arrivé au plus mauvais moment. Le "oui" semble affecté par une scoumoune du timing. On nous dit que l'Europe puissance est définitivement hors de portée. Ou, pire, on ne nous le dit pas. Mais les européens en savent aujourd'hui trop ou trop peu dans un monde chaotique et dangereux. Les Etats-nations sont affaiblis tandis que l'Europe n'a ni espace judiciaire, ni police ni armée européens, aucun des pouvoirs régaliens. Les européens sont le cul entre deux chaises. Et l'on se demande ce que le ministre des Affaires Etrangères européen dirait des grandes affaires du monde alors que l'Europe semble incapable de parler d'une seule voix. Depuis l'affaire de la CED il y a cinquante ans, jamais la crise n'avait été si profonde. Nous sommes bien à la croisée des chemins.

Paul Ink le 21 mars 2005

dimanche, mars 20, 2005

Bolos

Les manifestations lycéennes de février et plus encore de mars 2005 ont été dominées par les agressions parfois très violentes dont ont été victimes des lycéens de la part de bandes. Presque tous les organes de presse ont relevé que c'était des jeunes beurs ou blacks qui agressaient des blancs. Ainsi Le Monde du 10 mars écrit : ""Beaucoup de jeunes d'origine africaine s'en sont pris à des lycéens "blancs". Il faut rester prudent mais il y a probablement une dimension raciste à ces agressions" explique une source policière, constat partagé par les journalistes du Monde présents sur place." Et le 15 mars, toujours dans Le Monde un professeur d'histoire-géographie militant du syndicat SUD-éducation, "proche de l'extrême-gauche" précise le journal, se dit bouleversé par les violences auxquelles il a assisté et précise : "Je n'ai vu que des Noirs agresser des Blancs".

Dans un article intitulé : "Manifestations lycéennes : le spectre des violences anti-"Blancs", Le Monde fait le portrait de certains de ces jeunes qui prennent plaisir à agresser "des petits Français avec des têtes de victimes". "Les bolos regardent par terre parce qu'ils ont peur, parce que c'est des lâches" affirme un jeune. Bolos ? C'est le nom donné à ces proies. Les "petits blancs" ne savent pas se battre et ne se déplacent pas en bande. D'où la solide explication donnée par Abdel, 18 ans : "Les rebeus (arabes) et les renois (noirs) font plein d'enfants. Donc, tu peux pas savoir si celui qui manifeste a pas des grands frères."

Il y a quelques conclusion provisoires à tirer de ce fascinant fait divers. La première est que l'on voit aujourd'hui et avec une évidence qui crève les yeux ce à quoi on était aveugle hier : la dimension ethnique de ces violences. Que s'est-il passé ? Quand Le Monde publiera-t-il un article de fond pour expliquer l'extraordinaire modification de sa vision des choses ? Ce serait utile pour la démocratie, pour la cause de la liberté et permettrait de s'interroger sur les puissants processus d'auto-censure qui ont longtemps prévalu.

Quelle est la bonne cause ? Celle des victimes évidemment. Et que sont les jeunes issus de l'immigration ? Des victimes précisément, de la discrimination et du racisme. Donc ils ne peuvent pas être des oppresseurs, CQFD. De plus, évoquer l'appartenance ethnique des agresseurs est déjà une forme de racisme. Donc on n'en parle pas d'autant que cela alimente la xénophobie et l'extrême-droite. Voilà le raisonnement qui jusqu'à présent prévalait. Et l'on remarquera que jusqu'à une date récente jamais Le Monde n'est allé interroger les agresseurs pour entendre leur discours saturé de racisme anti-blanc. Mais maintenant si. Hier, on ne voyait pas l'intérêt de les écouter, aujourd'hui on reproduit leurs propos. Le mystère reste entier car enfin avoir la version de ceux qui frappent n'est-ce pas le b-a ba.

Par ailleurs, rien n'est plus difficile que de repérer ce moment historique où une victime devient bourreau. Concernant les rapports inter-ethniques, les peuples européens ont mangé leur pain blanc, si l'on peut dire, et vont désormais devenir les parias du monde. Dans leurs pays d'origine les blancs sont agressés comme blancs, que dire de vastes régions où ils ne peuvent tout simplement plus se rendre sans risquer leur vie. Mais cette idée est tellement génante, elle heurte si évidemment nos préjugés sur la domination blanche qu'il faudra probablement des fleuves de sang avant que cette réalité devienne visible. La démographie se chargera de cette besogne.

Le samedi 19 septembre 1998 a eu lieu à Paris la première techno-parade. Vers 23 heures, alors qu'elle se dispersait doucement place de la Nation, de nombreuses bandes ont agressé avec une extrême violence des personnes le plus souvent isolées pour les dépouiller de leur vêtements, portable, portefeuille etc. En quelques minutes, au stand de Médecins du Monde où je me trouvais, nous avons reçu plusieurs personnes blessées et traumatisées. J'ai appris le lundi suivant que les urgences de l'hopital Saint-Antoine avaient reçu des personnes agressées et choquées. J'ai alors écrit un texte intitulé "A facho facho et demi" et, après plusieurs jours d"hésitation, l'ai envoyé au courrier des lecteurs de Libération qui l'a publié le 28 septembre 1998. Je n'ai pas à rougir de ce texte qui m'a valu des tombereaux de critiques et des accusations de racisme qui m'ont, à l'époque, beaucoup affecté. Le voici :



"Que s'est-il passé le samedi 19 septembre place de la Nation à la
fin du concert qui clôturait la Techno Parade? L'article de Libération du
21 septembre relate de «violents incidents». Pour ce que j'en ai vu, alors
que j'étais au stand de Médecins du Monde, des bandes de jeunes «des
quartiers» agressaient violemment des personnes isolées qui avaient le
malheur de se trouver sur leur chemin. Pour être plus explicite, c'étaient
majoritairement sinon exclusivement des jeunes issus de l'immigration
maghrébine. Voilà une réalité bien gênante mais c'est ainsi. Les victimes,
quant à elles, étaient traumatisées. Pas seulement parce qu'elles avaient
reçu des coups violents mais parce que cette violence aveugle qui les
atteignait gratuitement a quelque chose de profondément et de longtemps
angoissant. Quant aux agresseurs, cessons de tourner autour du pot, ils
ont des comportements de fachos: bien installés dans leur machisme, leur
homophobie et leur culte de la violence, ils viennent «éclater la gueule
de ces pédés de ravers» sous l'oeil apparemment indifférent sinon secrètement satisfait des forces de l'ordre.

Rien, ni le racisme dont ils sont victimes, ni la crise des banlieues ne
justifie de tels agissements. Mais il faut aller plus loin. C'est par une
sorte de racisme à l'envers que l'on n'ose pas écrire qu'il s'agit de
bandes de jeunes Maghrébins comme si l'on pensait secrètement que tous les
Maghrébins pouvaient se comporter ainsi. En ne dénonçant pas les
agissements d'une minorité, on fait retomber sur toutes les personnes
issues de l'immigration l'opprobre de tels comportements. Le Front
national fait ensuite son miel de ces agissements en les attribuant aux
beurs en général. Les militants antiracistes, dont je suis, doivent le
comprendre : on ne luttera pas efficacement contre les idées xénophobes
sans aussi dénoncer pour ce qu'ils sont les agissements de ces bandes. La
véritable psychopathie sociale de certains jeunes issus de l'immigration
fait le jeu du FN. Cruauté de l'histoire: nous étions nombreux à redouter
ce samedi soir que la proximité de la fête Bleu-Blanc-Rouge !
ne provoque des affrontements."

Paul Ink

vendredi, mars 11, 2005

Guerre civile européenne

L'actualité de ces derniers jours est loin d'être sans intérêt, je pense en particulier au printemps de Beyrouth et à la liquidation d'Aslan Maskhadov par les forces spéciales russes mais je n'ai malheureusement rien à dire d'original là dessus. Concernant la Tchétchénie, j'approuve entièrement le texte d'André Glucksmann, "Le nouveau tsar vous remercie..." publié dans Le Monde du 09/03/05. A ce propos, j'ai aperçu avec beaucoup de plaisir la Une du Monde du 8 mars, je crois, et qui posait la question de savoir si la politique de Bush n'était pas en train d'engranger ses premiers résultats (éléctions en Irak, reprise du processus de paix israélo-palestinien, retrait syrien du Liban etc). Le seul fait que la question ait été posée me semble un grand progrès, inimaginable du temps d'Edwy Plenel. Rien que pour cela, il faut se réjouir de son départ.

Samedi matin, je suis allé à la conférence que l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales consacrait à Raymond Aron pour le centième anniversaire de sa naissance. Ce qui m'a frappé, c'est le côté presque obsédant du débat autour des néo-conservateurs. Peut-être d'ailleurs était-il si vif parce que le caractère désastreux ou supposé tel de l'intervention anglo-américaine en Irak a perdu de son évidence. J'aurais dû poser la question à Daniel Vernet qui intervenait et qui dans le livre co-écrit avec Alain Frachon, "L'Amérique messianique, la guerre des néo-conservateurs", considère précisément la politique de Bush au Moyen-Orient comme un évident fiasco. Et pourtant Vernet n'est pas le pire des journalistes...

Je suis actuellement plongé dans "La guerre civile européenne" de l'historien allemand Ernst Nolte (Editions des Syrtes, 2000). Il était depuis un moment dans ma bibliothèque mais si j'ai éprouvé le besoin de le lire, c'est parce que j'avais écrit ces textes sur la crise des sociétés européennes. Nolte, au moins en France, est sorti du purgatoire après que François Furet dans "Le passé d'une illusion" (Robert Laffont Calmann-Lévy, 1995) lui ait consacré une longue et laudative note. L'oeuvre de Nolte est consacrée presque entièrement aux régimes totalitaires et aux grandes idéologies de la première moitié du XX° siècle, communisme, fascisme, nazisme. Pour dire les choses vite la thèse centrale de "La guerre civile européenne" est que le premier mouvement, celui qui permet d'expliquer tous les autres, celui sans lequel rien n'est expliquable c'est la révolution d'octobre et la violence politique inédite que les bolcheviks mettent en oeuvre dés qu'ils sont au pouvoir. Le fascisme italien et le national-socialisme ne seraient que des réponses à cet ébranlement fondamental. Bien entendu, une telle thèse a provoqué des polémiques violentes car Nolte a été soupçonné de vouloir déculpabiliser l'Allemagne.

Nolte a me semble-t-il un autre objectif : il tente de montrer ce qu'a représenté Octobre pour des millions d'Allemands qui virent des Russes, des Ukrainiens, des Baltes se réfugier en masse en Allemagne et raconter les atrocités commise par les bolcheviks. Et combien les appels à la guerre civile lancés dans toute l'Europe par Lénine vont provoquer la peur et la haine. Cette histoire des despotismes modernes s'est terminée en Europe avec la chute du mur mais comment oublier que près d'un quart de l'humanité vit encore sous ce type de régime. Et j'en reviens à ce qui avait été mon intuition première : on ne peut rien comprendre au pacifisme, à l'hédonisme et finalement à la mollesse européenne face au monde actuel à commencer par la menace islamiste si l'on ne revient pas à cette guerre civile qui a ensanglanté l'Europe pendant près de trente ans.

Paul Ink le 13 mars 2005

mercredi, mars 02, 2005

Bolkestein, Frankenstein !

La première fois que j'ai entendu parler de la désormais célèbre directive Bolkestein sur la libéralisation des services dans Europe des vingt-cinq, c'était il y a quelques mois par un collègue de travail qui avait glissé dans mon casier la photocopie d'un papier paru dans Charlie Hebdo et qui fustigeait la dite directive. Je n'ai d'ailleurs entendu que des critiques ou à peu près contre ce fameux texte : à gauche évidemment on est contre mais aussi à droite. Ainsi Patrick Ollier, président (UMP) de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le juge inacceptable (Le Figaro du 01/03/05).

Avant d'aller plus loin, je dois faire, ö lecteur, mon semblable, mon frère, un terrible aveu : je ne suis pas seulement incorrectement politique mais aussi incorrectement économique. Quand cette maladie a-t-elle commencé ? Peut-être avec le tournant de la rigueur de 83 et les débats qui l'avaient précédé. J'étais alors contre la sortie de la France du SME et je devais donc accepter l'idée que le volontarisme en matière d'économie trouvait vite ses limites. Depuis, mon cas s'est beaucoup aggravé : je suis toujours aussi nul en économie mais j'ai tout de même tenté, comme nombre de mes contemporains, d'y comprendre quelque chose en lisant des auteurs comme Erik Izraelewicz ou Daniel Cohen. Je me souviens par exemple avoir lu chez l'un d'eux que les Français avaient dépensé autant d'argent pour amortir le démantèlement de leur sidérurgie dans les années 80 que les Américains avaient investi dans la silicone valley ! Cet exemple était donné pour illustrer l'idée de la destruction créatrice (ou de la création destructrice) : des emplois doivent être détruits pour que de nouveaux gisements de travail se développent. J'ai aussi compris que la France avait fait le choix du chômage même si ce choix n'avait pas été assumé comme tel mais hypocritement renvoyé sur "la crise", l'Europe ou même l'ultra-libéralisme (il est très important de ne jamais oublier "ultra" devant "libéralisme" : c'est un shifter au sens de Roman Jacobson). En fait, la contrainte se présente de la manière suivante : soit un marché du travail rigide où existe un large secteur public hyper-protégé pendant que les autres salariés subissent seuls les contraintes de la concurrence et que le chômage des jeunes est au plus haut soit une fexibilisation (précarisation disent ses adversaires) du marché du travail qui permet de limiter très fortement le chômage. Un seul exemple : le CDD de 24 mois. Personnellement, je suis pour. C'est vous dire si je suis un monstre. J'ai aussi acquis quelques autres certitudes comme le lien fort existant entre liberté politique et liberté economique mais je ne veux pas aggraver mon cas.

Et j'en reviens donc à la directive Bolkestein. Elle vise à faciliter la libre circulation des prestataires de services et à donner aux entreprises le droit de s'établir parmi les 25. Ce qui crée la polémique sur le risque de "dumping social", c'est le "principe du pays d'origine" : un architecte polonais travaillant en France serait ainsi payé au tarif polonais. Scandaleux ont dit mes amis ! j'étais embêté. En fait, j'apprends que la directive prévoit quelque chose de beaucoup plus raisonnable : "Pour que le prestataire soit payé aux conditions de son pays d'origine, il doit fournir ses services à distance via la poste, le téléphone ou l'internet, donc sans se déplacer. En revanche, s'il se déplace - même temporairement dans le pays d'accueil- il sera alors soumis aux règles sur les travailleurs détachés qui veut qu'il soit rémunéré aux conditions du pays d'accueil." (Le Figaro du 01/03/05). Je me résume : la directive Bolkestein est globalement raisonnable et ne ressemble en rien à l'épouvantail qu'on a bien voulu me présenter : complot diabolique des ultras (libéraux) pour casser les systèmes sociaux de beaux pays comme la France.

Et Patrick Ollier, déjà cité, d'expliquer qu'avec la circulaire Bolkestein, nous assistons "à une confrontation entre deux droits différents, l'un d'inspiration libérale défendu par les pays anglo-saxons et nordiques et l'autre plus social défendu par les pays latins comme la France." Le hasard fait bien les choses : les derniers comptes publics de la latine France viennent de tomber de l'escarcelle de l'insee. Eh bien, le croirez-vous, ils sont très mauvais : le déficit des comptes sociaux est passé de près de 9,6 à 13,8 milliards d'euros tandis que la dette dérape très au delà de la barre des 60% du PIB passant de 63,9 à 65,6% entre 2003 et 2004 et représentant aujourd'hui 17000 euros par Français (Le Monde du 02.03/05). On ne le dira jamais assez : le modèle français, c'est quand même autre chose !

Paul Ink le 02/03/05

mardi, mars 01, 2005

La guerre civile européenne (Nolte)

Je suis plongé dans la lecture du livre de Ernst Nolte