samedi, mai 21, 2005

OUI

Il y aurait beaucoup à dire sur le défaitisme qui semble submerger les partisans du oui tandis que la hargne victorieuse du non semble tout emporter sur son passage. Sur mon mail, j'ai reçu un texte qui explique qu'après les Danois qui on rejeté le traité de Maastricht en 1992 et les Irlandais qui ont rejeté celui de Nice en 2001, les Français peuvent bien dire non au traité constitutionnel en 2005. Cet argument a quelque chose de surréaliste. Si c'est pour expliquer qu'on peut répondre non à un référendum, ce n'est pas un scoop. En revanche, comparer les conséquences d'un non danois ou irlandais et d'un non français est assez comique en dehors même du fait qu'une telle comparaison donne une idée assez précise des hautes ambitions que certains partisans du non ont pour notre beau pays.

Il sera donc dit que nous dirons non et qu'une coalition hétéroclite des extrêmes aura fait mordre la poussière aux deux principaux partis de gouvernement. Si le non passe, il n'y aura pas de tremblement de terre le 30 mai même si une bonne moitié du pays aura la gueule de bois. Mais la suite d'un long processus de désagrégation dont la dernière secousse en date avait eu lieu un certain 21 avril 2002. Heureusement dans ce climat délétère, une bonne nouvelle, Toni Négri appelle à voter oui (je n'ai rien compris à son argumentation type billard à cinq bandes) !

Certains de mes amis se moquent de mes inquiétudes. Ils vont d'ailleurs voter non. Ce sont des esprits subtils et informés. J'essaie donc de comprendre ce qui les motive tout en m'inquiétant du fait qu'il soit possible de voter non pour tant de raisons aussi contradictoires. Ce n'est pas bon signe. Pour eux, l'Europe puissance, ça fait longtemps que c'est plié et une Europe à 25 et bientôt à 27 ou 28 ne peut être au mieux qu'un grand marché. Par ailleurs, ils ont une furieuse envie de dire non au Chirac anti-américain de la guerre en Irak. Enfin, ils pensent que c'est finalement une bonne idée de donner un coup de pied dans la fourmilière de cette Europe molle qui ne sait même pas qu'elle est en guerre contre le totalitarisme islamiste.

Je vais donc essayer de m'expliquer pourquoi je vote oui : nous sommes entre deux souverainetés, le cul entre deux chaises, la souveraineté passée des Etats-nations et la souveraineté à venir de l'Europe. Moins longtemps durera cet entre-deux, mieux cela vaudra. De ce point de vue le traité constitutionnel va dans le bon sens et met en place des règles du jeu praticables à 25. Comment imaginer un seul instant que des questions aussi fondamentales que l'immigration, le militaire, la lutte contre la grande criminalité et les mafias, la recherche et le développement etc puissent être traitées dans un cadre national. Mais cela suppose que l'Europe se demande sérieusement quelles sont ses frontières ce qui soulève bien entendu la question turque mais aussi celle de nos rapports avec le monde orthodoxe.

D'autre part, le non renforcera presque à coup sûr les courants qui s'opposent le plus profondément aux réformes dont le pays a besoin pour sortir du chômage de masse et de la paupérisation et ces réformes ont toutes en commun de remettre en cause le pléthorique secteur public, les rigidités du marché du travail, les 35 heures. Sans même parler des relents xénophobes de certains arguments de la gauche populiste de Mélenchon à Besancenot en passant par Bové. Sans moi. Je vis en France et je n'ai aucune raison de favoriser une sorte de politique du pire. Bref, je vote oui.

Paul Ink le 22 mai 2005

vendredi, mai 20, 2005

Nostalgie

Nous sommes allés passer une semaine à New-York ou plutôt à Manhattan, mon fils et moi. Là-bas nous sommes tombés par hasard sur un ami français lui aussi en vadrouille et très branché musique. On est allé dans quelques boutiques du Village et j'en suis revenu avec un album pour lequel il y a précisément trente ans j'avais une folle passion : "Blood on the tracks" de Bob Dylan. Je ne vais tenter aucun couplet sur Bob Dylan sinon pour enfiler quelques banalités : c'est un pur génie et la voix la plus singulière du rock'n roll. Chaque dylanien a son album préféré et le choix est assez vaste. Moi, c'est "Blood on the tracks" simplement parce que cette année 1975 fut la plus singulière de mon existence. J'y repense avec une immense nostalgie.

Paul Ink le 1° mai 2005

Même les capitalistes sont mortels !

Certes François Pinault est une hyène capitaliste et un infâme affameur du peuple. Il n'en est pas moins un homme, c'est à dire un animal qui sait qu'il a rendez-vous avec la mort et il a fait savoir aux autorités qu'une inauguration post mortem de sa fondation, ça ne le faisait pas trop. Il a aussi, peut-on penser, voulu dire autre chose.

Faire savoir que lui aussi est triste d'assister au spectacle de "la France qui tombe" pour citer le petit livre d'un auteur, Nicolas Baverez pour qui le blogueur qui s'exprime a la plus haute estime. Avec l'effondrement du terminal de Roissy, digne d'un pays du tiers-monde, le fiasco de l'ile Seguin dit beaucoup sur le mal dont souffre la France. Et ce mal est si profond que le pays devrait logiquement voter non à la constitution européenne. Voilà donc une France qui dit non ! Et qui croit que ce non est celui de Jeanne d'Arc ou de de Gaulle quand c'est le non à l'Europe, non au mécénat, non à l'avenir. Quelle tristesse, en effet, de voir ce pays prendre des airs de Don Quichotte pour aller droit vers son déclin. Que l'on songe à l'Angleterre de Blair, à l'Espagne qui devient l'un des grands pays de l'Europe, à l'Italie, à l'Allemagne engagée dans de douloureuses mais nécessaires réformes, tous ces pays vont mieux que la France. Il faudra un sursaut immense pour sortir de l'ornière. Les Américains ont cessé d'avoir de l'estime pour la France depuis la débacle de juin 40. Ils ont toujours refusé de croire à la geste gaullienne et au mythe de la France résistante. Peut-être le pays, après Sedan, après juin 40 est-il de nouveau rattrapé par ses plus mauvais démons. Certes, notre défaite actuelle n'est pas militaire mais on peut lire aujourd'hui l'étonnement et parfois la stupéfaction sur le visage de bien des européens devant l'image que donne la France.

On entend dire que derrière la décision que vient de prendre François Pinault de quitter l'ile Seguin pour Venise, il y aurait de sombres réglements de comptes avec certains responsables français coupables de ne l'avoir pas soutenu dans l'affaire Executive Life. Je ne sais s'il y a quoi que ce soit de vrai dans une telle rumeur. C'est plutôt un cri du coeur que poussait hier François Pinault dans les colonnes du Monde : un milliardaire aussi vieillit et il en est même qui meurent. On est en droit de penser que c'est avec regret qu'il renonce à ouvrir en France la fondation dédiée à l'art contemporain dont il rêve depuis tant d'années. Mais comment réaliser ses rêves dans un pays qui ne rêve plus?

Paul Ink le 10 mai 2005