dimanche, mars 20, 2005

Bolos

Les manifestations lycéennes de février et plus encore de mars 2005 ont été dominées par les agressions parfois très violentes dont ont été victimes des lycéens de la part de bandes. Presque tous les organes de presse ont relevé que c'était des jeunes beurs ou blacks qui agressaient des blancs. Ainsi Le Monde du 10 mars écrit : ""Beaucoup de jeunes d'origine africaine s'en sont pris à des lycéens "blancs". Il faut rester prudent mais il y a probablement une dimension raciste à ces agressions" explique une source policière, constat partagé par les journalistes du Monde présents sur place." Et le 15 mars, toujours dans Le Monde un professeur d'histoire-géographie militant du syndicat SUD-éducation, "proche de l'extrême-gauche" précise le journal, se dit bouleversé par les violences auxquelles il a assisté et précise : "Je n'ai vu que des Noirs agresser des Blancs".

Dans un article intitulé : "Manifestations lycéennes : le spectre des violences anti-"Blancs", Le Monde fait le portrait de certains de ces jeunes qui prennent plaisir à agresser "des petits Français avec des têtes de victimes". "Les bolos regardent par terre parce qu'ils ont peur, parce que c'est des lâches" affirme un jeune. Bolos ? C'est le nom donné à ces proies. Les "petits blancs" ne savent pas se battre et ne se déplacent pas en bande. D'où la solide explication donnée par Abdel, 18 ans : "Les rebeus (arabes) et les renois (noirs) font plein d'enfants. Donc, tu peux pas savoir si celui qui manifeste a pas des grands frères."

Il y a quelques conclusion provisoires à tirer de ce fascinant fait divers. La première est que l'on voit aujourd'hui et avec une évidence qui crève les yeux ce à quoi on était aveugle hier : la dimension ethnique de ces violences. Que s'est-il passé ? Quand Le Monde publiera-t-il un article de fond pour expliquer l'extraordinaire modification de sa vision des choses ? Ce serait utile pour la démocratie, pour la cause de la liberté et permettrait de s'interroger sur les puissants processus d'auto-censure qui ont longtemps prévalu.

Quelle est la bonne cause ? Celle des victimes évidemment. Et que sont les jeunes issus de l'immigration ? Des victimes précisément, de la discrimination et du racisme. Donc ils ne peuvent pas être des oppresseurs, CQFD. De plus, évoquer l'appartenance ethnique des agresseurs est déjà une forme de racisme. Donc on n'en parle pas d'autant que cela alimente la xénophobie et l'extrême-droite. Voilà le raisonnement qui jusqu'à présent prévalait. Et l'on remarquera que jusqu'à une date récente jamais Le Monde n'est allé interroger les agresseurs pour entendre leur discours saturé de racisme anti-blanc. Mais maintenant si. Hier, on ne voyait pas l'intérêt de les écouter, aujourd'hui on reproduit leurs propos. Le mystère reste entier car enfin avoir la version de ceux qui frappent n'est-ce pas le b-a ba.

Par ailleurs, rien n'est plus difficile que de repérer ce moment historique où une victime devient bourreau. Concernant les rapports inter-ethniques, les peuples européens ont mangé leur pain blanc, si l'on peut dire, et vont désormais devenir les parias du monde. Dans leurs pays d'origine les blancs sont agressés comme blancs, que dire de vastes régions où ils ne peuvent tout simplement plus se rendre sans risquer leur vie. Mais cette idée est tellement génante, elle heurte si évidemment nos préjugés sur la domination blanche qu'il faudra probablement des fleuves de sang avant que cette réalité devienne visible. La démographie se chargera de cette besogne.

Le samedi 19 septembre 1998 a eu lieu à Paris la première techno-parade. Vers 23 heures, alors qu'elle se dispersait doucement place de la Nation, de nombreuses bandes ont agressé avec une extrême violence des personnes le plus souvent isolées pour les dépouiller de leur vêtements, portable, portefeuille etc. En quelques minutes, au stand de Médecins du Monde où je me trouvais, nous avons reçu plusieurs personnes blessées et traumatisées. J'ai appris le lundi suivant que les urgences de l'hopital Saint-Antoine avaient reçu des personnes agressées et choquées. J'ai alors écrit un texte intitulé "A facho facho et demi" et, après plusieurs jours d"hésitation, l'ai envoyé au courrier des lecteurs de Libération qui l'a publié le 28 septembre 1998. Je n'ai pas à rougir de ce texte qui m'a valu des tombereaux de critiques et des accusations de racisme qui m'ont, à l'époque, beaucoup affecté. Le voici :



"Que s'est-il passé le samedi 19 septembre place de la Nation à la
fin du concert qui clôturait la Techno Parade? L'article de Libération du
21 septembre relate de «violents incidents». Pour ce que j'en ai vu, alors
que j'étais au stand de Médecins du Monde, des bandes de jeunes «des
quartiers» agressaient violemment des personnes isolées qui avaient le
malheur de se trouver sur leur chemin. Pour être plus explicite, c'étaient
majoritairement sinon exclusivement des jeunes issus de l'immigration
maghrébine. Voilà une réalité bien gênante mais c'est ainsi. Les victimes,
quant à elles, étaient traumatisées. Pas seulement parce qu'elles avaient
reçu des coups violents mais parce que cette violence aveugle qui les
atteignait gratuitement a quelque chose de profondément et de longtemps
angoissant. Quant aux agresseurs, cessons de tourner autour du pot, ils
ont des comportements de fachos: bien installés dans leur machisme, leur
homophobie et leur culte de la violence, ils viennent «éclater la gueule
de ces pédés de ravers» sous l'oeil apparemment indifférent sinon secrètement satisfait des forces de l'ordre.

Rien, ni le racisme dont ils sont victimes, ni la crise des banlieues ne
justifie de tels agissements. Mais il faut aller plus loin. C'est par une
sorte de racisme à l'envers que l'on n'ose pas écrire qu'il s'agit de
bandes de jeunes Maghrébins comme si l'on pensait secrètement que tous les
Maghrébins pouvaient se comporter ainsi. En ne dénonçant pas les
agissements d'une minorité, on fait retomber sur toutes les personnes
issues de l'immigration l'opprobre de tels comportements. Le Front
national fait ensuite son miel de ces agissements en les attribuant aux
beurs en général. Les militants antiracistes, dont je suis, doivent le
comprendre : on ne luttera pas efficacement contre les idées xénophobes
sans aussi dénoncer pour ce qu'ils sont les agissements de ces bandes. La
véritable psychopathie sociale de certains jeunes issus de l'immigration
fait le jeu du FN. Cruauté de l'histoire: nous étions nombreux à redouter
ce samedi soir que la proximité de la fête Bleu-Blanc-Rouge !
ne provoque des affrontements."

Paul Ink

2 Comments:

At 23 mars 2005 à 21:16, Anonymous Anonyme said...

On pourrait décider de contrôler un peu plus ce qui passe sur les ondes de radio destinées aux jeunes comme Sky Rock par exemple pour ne pas la nommer. Chacun écoute ce qu'il veut, ce n'est pas de la censure. Pour autant, dans une société qui traverse une telle crise, il est de la responsabilité de chacun de ne pas mettre de l'huile sur le feu. Certains textes de rap sont une honte tant ils véhiculent haine de la société, machisme exacerbé et matérialisme à outrance. Y aurait pas d'autres moyens de communiquer ? Un peu d'imagination...

 
At 28 juillet 2007 à 15:02, Blogger Paul Ink said...

Non, je ne crois pas que censurer Skyrock soit la bonne solution à moins de démontrer que la radio appelle explicitement à la violence, ce qui me semble bien difficile. En revanche, la construction d'une société multiethnique devrait cesser de s'embarrasser de cette abominable langue de bois du type tout le monde il est beau tout le monde il est gentil alors que le processus est manifestement conflictuel et qu'il interagit avec un contexte international labile pour ne pas dire explosif.

 

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