mercredi, mars 01, 2006

A genoux

Il n'y a guère que les morts qui ne bougent plus ! Et je suis encore vivant bien que fort silencieux depuis près de deux mois. Mes plus fidèles lecteurs en sont fort marris et je ne les comprends que trop. Le temps perdu, comme dit la chanson, ne se rattrape guère, mais je vais tout de même faire part des réflexions que m'inspire l'actualité récente.

Rien n'illustre mieux le désamour profond que la France éprouve pour ce qu'elle est ou a été que l'affaire du "Clémenceau". L'affaire n'est pas technique mais psychanalytique. C'est d'un lapsus qu'il s'agit. Comment est-il possible que nos élites n'aient pas vu que le Clem, quel que soit par ailleurs son état, est un SYMBOLE et que les symboles dépassent de beaucoup l'enveloppe matérielle qui leur sert de support ? C'est la France, et non pas quelques milliers de tonnes de métal, qui a été bringueballée sur les océans pour revenir piteusement au port. Encore a-t-il fallu la visite du VRP Jacques Chirac en Inde pour que cet interminable feuilleton trouve une issue provisoire. Alain Finkielkraut résume ainsi la situation après les émeutes urbaines : "Comment intégrer des jeunes qui n'aiment pas la France dans une France qui ne s'aime pas ?" On ne peut mieux dire. Et on ne peut mieux illustrer cette France qui ne s'aime pas en songeant à la manière dont un symbole de sa puissance et qui porte un des noms les plus illustres de l'histoire récente du pays a été sali, ridiculisé et traîné dans la boue. Pauvre Clémenceau qui, à sa demande express, fut enterré débout et qui voit le pays à genoux.

Ce que je me refusais à croire est malheureusement entrain de se produire : le début d'une guerre civile en Irak. C'est d'autant plus triste que l'on sait (et, je l'imagine, les Irakiens savent) que la stratégie de Zarkaoui est explicitement de dresser les sunnites et les chiites les uns contre les autres. Comment les Irakiens peuvent-ils tomber dans un piège aussi clairement annoncé ?

Le calvaire d'Ilan : dimanche, il y avait du monde certes mais ce sont principalement les Juifs qui se sont mobilisés alors qu'il aurait fallu 500 000 personnes dans les rues pour crier leur dégoût et leur refus de la barbarie. La population laisse les Juifs à leur solitude et, ce faisant, participe à l'affaissement du pays. Décidément il est loin le temps où l'on disait : "Heureux comme Dieu en France !"

Qui saura éloigner le vent mauvais qui souffle sur le pays ? Est-ce encore possible ? La France n'est-elle pas entrain de devenir sous nos yeux une mosaïque de communautés qui au mieux s'ignorent au pire se détestent ?

Paul Ink le 01/03/06