dimanche, janvier 01, 2006

Un héros de notre temps

Un collègue de travail et ami m'a fait découvrir un admirable écrivain russe, Michel Lermontov (1814-1841) mort à 27 ans dans un duel, 3 ans donc après Pouchkine qui avait eu l'outrecuidance de vivre jusqu'à... 38 ans, âge canonique pour les écrivains de cette génération . Lermontov avait commencé un roman qui aurait pu être "Le Rouge et le Noir" de son époque et de son pays, "La princesse Ligovskoï" mais il en interrompit la rédaction après son exil dans le Caucase suite à un poème violemment anti-autocratique écrit après la mort de Pouchkine et qui fit le tour des salons de Petersbourg et de Moscou. Cela nous valut le roman "caucasien" qui le rendit à jamais célèbre et qui porte ce si beau titre : "Un héros de notre temps".

Si un grand peuple se définit d'abord par sa grande littérature, alors assurément le peuple russe est un peuple immense. Mais il est troublant de constater combien le despotisme, et ce jusqu"à aujourd'hui, a été le seul mode de gouvernement de ce pays. Certes l'autocratie tsariste est une douce galéjade comparé à la terreur bolchevick. Mais comment ne pas voir la continuité qui règne en maitresse dans l'arbitraire qui s'abat sur les intellectuels et les écrivains. Tel déplait, il est exilé dans le Caucase ou en Sibérie et la vie suit son cours.

Par une sorte de mystère effrayant c'est ce pays, qui n'avait pas la moindre tradition démocratique et qui fut le dernier en Europe à abolir le servage que l'histoire choisit, cruellement, pour une "expérience socialiste" jonchée de cadavres. Rien ne fut simple en Europe dans l'accès à la modernité sauf en Angleterre peut-être. Que l'on songe à la Révolution française (qu'il faut peut-être prendre "comme un bloc", comme disait Clémenceau, c'est à dire y compris avec les ignobles massacres de septembre) et à la suite des coups d'Etats, tout cela pour aboutir à "L'étrange défaite"( Marc Bloch) de 1940, que l'on songe à la réunification italienne qui aboutit après la marche sur Rome au fascisme ou bien encore à l'effondrement de la République de Weimar en 1933. En Espagne, il faudra attendre la mort de Franco en 1975 pour que le pays devienne une démocratie politique.

Contrairement à un illusion rétrospective, l'Europe s'est lentement et difficilement, frayé un chemin vers la modernité et la démocratie. Mais par une de ces "ruses" dont elle est coutumière, l'histoire n'a pas laissé longtemps l'Europe jouir de ces bienfaits. Bientôt s'abattent sur elle l'insécurité, l'immigration incontrôlée, l'islamisme, le terrorisme contre lesquels elle n'est pas de force à lutter. La démocratie européenne risque de n'être qu'une illusion de courte durée tandis que ce cap avancé du continent asiatique se retire de la scène de l'histoire sur la pointe des pieds. Où serait et que ferait aujourd'hui un héros de notre temps ?

Bonne et heureuse année 2006 à mes nombreux lecteurs

Paul Ink Le 1° janvier 2006