dimanche, août 02, 2009

Terreur

J'ai si peur de voir disparaitre ce blog (qui a forcément pris un petit coup de vieux) que je laisse ce palpitant message à seule fin de faire savoir à l'hyper espace que je bouge encore. Qui sait, peut-être retrouverai-je un jour le courage de reprendre mon blog...

Paul ink

mercredi, juillet 18, 2007

Sarko : la fin de l'état de grâce ?

Nicolas Sarkozy, dont l'appétit est vorace, n'a pas mangé tout son pain blanc, loin s'en faut. Mais il a déjà bien entamé la miche. Par une ironie assez loufoque, sa première grande déconvenue aura été la défaite d'Alain Juppé aux législatives. Je ne sais pas si on a demandé au sympathique maire de Bordeaux "d'y aller" ou si, orgueil aidant, il a tout de même voulu se présenter dans une circonscription où Ségolène Royal avait fait 54% à la Présidentielle. Ce qui est certain, en revanche, c'est que le grand ministère avait été taillé à sa mesure et que son successeur n'a eu d'autre choix que d'abandonner Bercy pour des fonctions auxquelles il n'était nullement préparé. D'où les cafouillages du "Grenelle de l'environnement" qui en annoncent peut-être d'autres. Il va falloir à Jean-Louis Borloo une formation accélérée pour tenir les manettes du monstre institutionnel dont il a pris la direction.

Cela étant, la défaite de Juppé a eu au moins un avantage : la promotion de la brillante et belle Christine Lagarde qu'on verrait bien à Matignon dans quelques années.

Autre problème : l'emblématique Rachida Dati passe un très mauvais quart d'heure. Outre la démission de son dir cab et de plusieurs conseillers, le passé chargé de deux de ses frères fait désordre. Il n'est, en effet, pas habituel que le Garde des Sceaux ait deux proches délinquants. La situation est embarrassante et explique que, de la gauche à la droite, on soit venu au secours de Mme Dati qui n'était, au reste, critiquée par personne. Mais le concentré de clichés que charrie cette affaire (une famille maghrébine nombreuse, des filles qui travaillent et des garçons qui dealent) est si lumineux que l'on sent bien que c'est à la vox populi que répond par avance le monde politique. Le pari risqué de Nicolas Sarkozy est loin d'être gagné. Et il faudra bien des soutiens et des nerfs d'acier à Rachida Dati pour ne pas être écrasée par le symbole qu'elle représente. Même si le PS a beaucoup à se faire pardonner en matière de discrimination positive, il n'est pas certain qu'il soit éternellement aussi complaisant avec elle que durant la discussion de son projet de loi sur la récidive.

La réunion du Président avec Angela Merkel pour remettre de l'ordre dans EADS ne semble pas, malgré la capacité de Nicolas Sarkozy à transformer des défaites en semi-victoires, avoir été très favorable aux Français même si la nomination de Louis Gallois à la tête d'EADS fait illusion. La puissance de l'industrie allemande a parlé alors que le nouvel organigramme reste lourd de futurs conflits tant les intérêts nationaux continuent à peser d'un poids décisif face au rêve européen.

Tout cela ne fait certes pas beaucoup si l'on songe à la maestria avec laquelle le Président a débauché à gauche offrant à chacun (on pense en particulier à Bernard Kouchner, Dominique Strauss-Kahn et Jack Lang) un poste qu'il était incapable de refuser. Et puis il y a la réussite du "mini-traité" qui sort, on peut l'espérer, l'Europe de l'ornière.

Le peuple français attend beaucoup du Président de la République. Il n'a pas le droit de décevoir. Souhaitons que ces quelques craquements n'annoncent pas le début de la fin de l'état de grâce du prestidigitateur qui nous gouverne.

Paul Ink le 19 juillet 2007

jeudi, avril 13, 2006

Rigidités

Je vis une situation très intéressante et pleine d'enseignements sur les blocages de la société française : je cherche à louer un appartement à Paris et n'y parviens pas. Pourquoi ? Pour deux raisons qui s'additionnent : la première, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, c'est qu'un locataire, une fois dans les lieux, il est fort difficile pour le propriétaire de s'en débarrasser s'il ne paie pas son loyer. On doit à la gauche d'avoir surprotégé le locataire. Elle a malheureusement oublié qu'avant d'être surprotégé, il fallait qu'il le devienne, locataire. Et c'est bien là que le bât blesse. D'après ce que me disent les agences, ça peut prendre entre deux et quatre ans pour virer un locataire indélicat ! Conséquence : les proprios prennent des garanties exhorbitantes quand ils ne renoncent pas purement et simplement à mettre leur bien en location. De plus, mais ceci est peut-être une conséquence de cela, l'offre est faible et la demande forte. Bref, le système est totalement bloqué et fait furieusement penser au marché du travail : il est très difficile d'obtenir un CDI mais (ou plutôt car) une fois qu'on l'a, il est difficile d'être viré. C'est la prime à ceux qui sont déjà là et la déprime de ceux qui n'y sont pas encore à commencer par les jeunes.

Un ami me dit qu'à Tel Aviv on loue un appartement dans la journée. Mais comme il est rare d'avoir le beurre et l'argent du beurre, on est rapidement viré si on ne paie pas. Ce qui est frappant dans cette histoire, c'est le niveau véritablement effrayant de rigidité du modèle français. Reprenons les locations : si on a un CDD, si on est intermittent du spectacle (et même si on travaille beaucoup et qu'on est bien payé), si on touche des Assedic, inutile de chercher à louer, on n'y parviendra pas.

La jeunesse vient de se battre contre le CPE et peut crier victoire : le marché du travail va rester aussi inaccessible qu'il l'était. Je ne dis pas cela pour défendre M. de Villepin qui a voulu, mal lui en a pris, passer en force. Mais c'est bien de flexibilité dont on a partout besoin. Malheureusement, et comme chacun sait, flexibilité veut dire libéralisme qui est en France un gros mot. Si tant de jeunes Français partent au Royaume-Uni, ce n'est pas seulement pour apprendre l'anglais mais pour travailler, gagner leur vie, être sur le marché du travail. Certes les emplois qu'ils trouvent sont mal payés mais vaut-il mieux être mal payé ou pas payé du tout ? En outre une fois qu'ils ont le pied à l'étrier, ils peuvent faire leurs preuves et prétendre à des fonctions mieux rémunérées et plus intéressantes. Ou du moins pouvaient car ils subissent désormais de plein fouet la concurrence des jeunes venus de l'Est...

Si les locataires étaient plus facilement expulsables lorsqu'ils ne paient pas, la barre à franchir s'abaisserait, des catégories entières de personnes exclues de la location pourraient y avoir accès comme c'est le cas en Allemagne où le marché est beaucoup plus fluide parce que le locataire qui ne paie pas ne peut guère rester plus de six mois ou un an dans les lieux. Notre système de protection est devenu massivement contre-productif. Une fois acquis (l'appartement, le CDI), tout va bien. Le hic c'est que l'accès devient chaque jour plus difficile et exclut chaque jour davantage de monde à commencer par les plus jeunes qui, par définition, ne sont pas encore dans la place. Etonnez vous après cela que le rêve d'une majorité de jeunes Français soit d'être fonctionnaires !

Paul Ink le 13/04/06

dimanche, mars 26, 2006

Broutilles

Certes, il se passe des choses beaucoup plus graves. Mais le "coup de sang" de Jacques Chirac quittant ostensiblement la salle où Ernest-Antoine Seillières avait l'outrecuidance de s'exprimer en anglais a véritabement quelque chose de fascinant et mérite au moins un commentaire dont le lecteur de bonne foi voudra bien considérer qu'il n'est pas primairement xénophobe.

Nous vivons aujourd'hui dans un pays où un nombre indéterminé mais nullement négligeable de personnes ne parle pas un mot de français et/ou s'adresse à ses enfants exclusivement dans sa langue d'origine. Loin de moi l'idée d'interdire sur le territoire national les langues étrangères bien que ça fasse parfois bizarre de n'entendre personne parler français autour de soi ce qui m'arrive assez fréquemment. Mais je voudrais insister sur le caractère paradoxal de la situation : tandis qu'à l'intérieur on parle de moins en moins (et de moins en moins bien) le français, à l'extérieur le Président défend farouchement face à un autre Français la langue de Voltaire victime de l'impérialisme de l'anglais. Ne ferait-il pas mieux, plutôt que de se donner ainsi en ridicule, de mettre en place une politique incitant fortement tous les immigrants qui viennent peupler notre beau pays à apprendre le français ? Si le (beau) pays va mal c'est qu'on s'occupe avec énergie des broutilles et qu'on évite avec une énergie plus farouche encore de traiter les vrais problèmes (pas faciles à traiter il est vrai les Français n'ayant que très vaguement conscience que le pays coule).

Paul Ink le 04/04/06

mercredi, mars 01, 2006

A genoux

Il n'y a guère que les morts qui ne bougent plus ! Et je suis encore vivant bien que fort silencieux depuis près de deux mois. Mes plus fidèles lecteurs en sont fort marris et je ne les comprends que trop. Le temps perdu, comme dit la chanson, ne se rattrape guère, mais je vais tout de même faire part des réflexions que m'inspire l'actualité récente.

Rien n'illustre mieux le désamour profond que la France éprouve pour ce qu'elle est ou a été que l'affaire du "Clémenceau". L'affaire n'est pas technique mais psychanalytique. C'est d'un lapsus qu'il s'agit. Comment est-il possible que nos élites n'aient pas vu que le Clem, quel que soit par ailleurs son état, est un SYMBOLE et que les symboles dépassent de beaucoup l'enveloppe matérielle qui leur sert de support ? C'est la France, et non pas quelques milliers de tonnes de métal, qui a été bringueballée sur les océans pour revenir piteusement au port. Encore a-t-il fallu la visite du VRP Jacques Chirac en Inde pour que cet interminable feuilleton trouve une issue provisoire. Alain Finkielkraut résume ainsi la situation après les émeutes urbaines : "Comment intégrer des jeunes qui n'aiment pas la France dans une France qui ne s'aime pas ?" On ne peut mieux dire. Et on ne peut mieux illustrer cette France qui ne s'aime pas en songeant à la manière dont un symbole de sa puissance et qui porte un des noms les plus illustres de l'histoire récente du pays a été sali, ridiculisé et traîné dans la boue. Pauvre Clémenceau qui, à sa demande express, fut enterré débout et qui voit le pays à genoux.

Ce que je me refusais à croire est malheureusement entrain de se produire : le début d'une guerre civile en Irak. C'est d'autant plus triste que l'on sait (et, je l'imagine, les Irakiens savent) que la stratégie de Zarkaoui est explicitement de dresser les sunnites et les chiites les uns contre les autres. Comment les Irakiens peuvent-ils tomber dans un piège aussi clairement annoncé ?

Le calvaire d'Ilan : dimanche, il y avait du monde certes mais ce sont principalement les Juifs qui se sont mobilisés alors qu'il aurait fallu 500 000 personnes dans les rues pour crier leur dégoût et leur refus de la barbarie. La population laisse les Juifs à leur solitude et, ce faisant, participe à l'affaissement du pays. Décidément il est loin le temps où l'on disait : "Heureux comme Dieu en France !"

Qui saura éloigner le vent mauvais qui souffle sur le pays ? Est-ce encore possible ? La France n'est-elle pas entrain de devenir sous nos yeux une mosaïque de communautés qui au mieux s'ignorent au pire se détestent ?

Paul Ink le 01/03/06

dimanche, janvier 08, 2006

Slavery

La première manière d'avancer dans la compréhension d'un problème, c'est de construire une dichotomie. Certes, une dichotomie est toujours une caricature face à la complexité et à la subtilité du réel. Mais c'est assurément mieux que rien. Car sans même une dichotomie tout reste vague, obscure et semble s'échapper comme du sable que la main tente de retenir. Le destin des dichotomies est multiple : certaines qui furent très utiles deviennent parfaitement obsolètes, d'autres traversent les siècles, d'autres encore sont d'emblée de fausses bonnes divisions. Mais j'en viens au fait.

Pour certains, la période actuelle voit enfin surgir dans le débat public des questions jusque là restées taboues comme le colonialisme, le racisme, les discriminations, l'esclavage. Pour d'autres, nous vivons au contraire une période où celui qui tente d'échapper à la doxa, à la "pensée unique" se voit immédiatement cloué au pilori. La dichotomie, la voilà. Et je voudrais donner un exemple pour l'illustrer.

Au début des années soixante, le grand historien Fernand Braudel a écrit un manuel, ou ce qui aurait pu le devenir, à destination des classes de terminale. Son idée, qui ne fut pas retenue, était à peu près la suivante : la dernière classe du lycée devrait permettre aux élèves de découvrir les grandes civilisations et les liens amicaux ou conflictuels qu'elles ont entretenu. Ce texte, publié en poche chez Flammarion sous le titre "Grammaire des civilisations" comporte le passage suivant sur l'Islam classique :

"Il conduit, en fait, l'histoire globale de cette planète en soi (avant la découverte de l'Amérique) qu'est le vieux monde (Europe, Afrique, Asie). D'où tant de tâches écrasantes : gouvernement, commerce, guerre, surveillance militaire. Pour les mener à bien, l'Islam a dû partout accepter les hommes tels qu'il les trouvait, avec une tolérance que l'Occident, démographiquement riche pour sa part, n'aura guère connue. Par surcroît, il les aura recherchés, en dehors de ses frontières, partout, avec une insistance qui fait de l'Islam classique une civilisation esclavagiste par excellence." (93)

Une civilisation esclavagiste par excellence ! Bienheureux Fernand Braudel mort en 1985 ! Il est trop tard pour le vouer aux gémonies. A quels noms d'oiseau n'aurait-il eu pas droit s'il avait écrit ces lignes aujourd'hui ! Et pourquoi ? Parce que pour ceux qui voient comme une immense libération le fait de pouvoir "enfin" dénoncer l'esclavage et introduire l'enseignement de cette sinistre période de l'humanité, il n'est qu'un seul esclavagisme qui vaille, celui des Blancs et des Occidentaux : la traite tranatlantique. Le rôle actif des Noirs eux-mêmes dans cette traite et plus encore la centralité de l'esclavage en Islam (et dont de larges reliquats subsistent aujourd'hui encore en Mauritanie et au Soudan) ne comptent pas. En vérité, ce sont des sujets tabous. Seuls des "néo-réacs" peuvent s'y intéresser. Il s'agit d'écrire une histoire politiquement correcte y compris en oubliant que le mouvement anti-esclavagiste est né en Occident. De ce point de vue, la loi Taubira est un fidèle reflet de cette conception orwellienne de la vérité. L'Assemblée Nationale ferait bien de relire "1984".

Problème presque insoluble : tous les historiens ne sont pas morts. Olivier Pétré-Grenouilleau, auteur du remarquable "Les traites négrières, essai d'histoire globale" (Gallimard) est bien vivant. Et bien placé aussi pour savoir ce qu'il en coûte de sortir des sentiers battus de la pensée unique. Démonisé, traîné devant les tribunaux, régulièrement comparé à Bruno Gollnisch par ses farouches adversaires, il lui est reproché d'avoir refusé de passer sous silence la traite trans-saharienne et d'avoir, scandale des scandales, osé critiquer la loi Taubira.

Oui, la dichotomie existe bien entre ceux qui sont animés par la seule haine de l'Occident et des "Blancs" et pour qui la vérité n'est qu'un outil très malléable du combat politique et ceux qui se refusent à cette repoussante instrumentalisation. Ceux là se mobilisent pour le Darfour où des milices arabes massacrent et chassent de leurs terres des Noirs alors que les uns et les autres sont musulmans. Il s'agit bien d'une guerre ethnique, dernier avatar de l'oppression que les Arabes ont fait subir aux populations négro-africaines. Pour fêter l'évènement, l'Union Africaine a décidé de tenir son prochain sommet à Khartoum. Et rien ne dit que le président soudanais, le très démocratique Omar el Béchir, ne sera pas bientôt à la tête de l'UA. Voilà quelqu'un qui saurait apprendre à Pétré-Grenouilleau à penser correctement. Il faut vite le lui faire savoir.

Paul Ink le 8 janvier 2006

dimanche, janvier 01, 2006

Cassandre

S’il fallait définir d’un mot l’objet du dernier livre, dense et inspiré, de Thérèse Delpech (1), on pourrait dire qu’il s’agit d’une tentative presque désespérée de sortir les Européens de leur sommeil dogmatique et de leur volonté farouche d’oubli du XX° siècle et de ses horreurs. Il s'accompagne d'un refus têtu d’affronter les menaces nouvelles, en particulier en Asie qui, contrairement à l’Europe, n’a pas soldé les comptes de la deuxième guerre mondiale. Et ce désir, après tant de guerres sur le continent européen, de « provincialisme » qui parvienne à les tenir, comme par miracle, à l’abri du bruit et de la fureur du monde, elle le dénonce comme une funeste illusion.

En un certain sens, « L’ensauvagement » est le développement d’une phrase de « Politique du chaos », son livre précédent (2), et dans lequel elle écrivait ceci : « L’apologie du meurtre au siècle dernier pèse encore sur les esprits plus que nous ne sommes prêts à le reconnaître. » (15). Citant Carl Jung,, elle insiste sur le fait qu’en Russie et plus encore en Chine, rien n’a été tenté pour qu’advienne un travail de vérité et de deuil devant les massacres et les horreurs tandis que nous assistons, passifs, au goulag nord-coréen. « Il aurait suffi – écrit-elle – de lire quelques lignes de Varlam Chalamov ou d’Andrei Siniavski pour comprendre qu’on ne s’en tirerait pas à si bon compte , le siècle passé étant allé trop loin dans la souffrance humaine et dans la destruction de l’humanité ; » (20).

Mais Thèrèse Delpech ne s’intéresse pas qu’au passé. Si le titre n’était déjà pris, son livre aurait pu s’intituler « Between past and future » (3). Et son admiration va pour Tocqueville, Valéry ou Orwell qui ont vu venir avec une lucidité souvent bien solitaire les drames et les guerres. Elle consacre un long chapitre à l’année 1905 qui était déjà lourde, pour peu qu’on sache en lire les signes, de menaces redoutables. Elle tente de faire entendre aux Européens les menaces d’aujourd’hui. Et elle n’hésite pas à comparer notre époque à celle qui précéda la Grande Guerre ou aux années 30.

De même que nous, les Européens, avons impliqué par deux fois le monde dans la guerre, nous aurions tort de penser que les enjeux qui se dessinent dans la lointaine Asie ne nous concernent pas : « Nous avons entraîné le monde dans nos guerres. Il nous entraînera dans les siennes. » (15). Et de fustiger les « lâches avertissements » (45) adressés à Taïwan plutôt qu’à la Chine quand, dans cette région, « est la question stratégique la plus dangereuse. C’est même probablement la plus périlleuse de la planète ».

Il existe en effet un accord de défense entre Taïwan et les Etats-Unis, ce qui signifie qu’il est impensable que les Américains laissent, sans sourciller, leur allié se faire envahir par une Chine chaque jour plus puissante et plus menaçante. La sagesse et l’intérêt bien compris des Européens serait donc de ne pas mettre d’huile sur le feu face à une Chine qui rêve de venger les humiliations du XIX° siècle. Et de fustiger l’attitude irresponsable d’un Gerhardt Schröder, « Monsieur Auto » comme on l’appelle là-bas, qui en 2004 déclare à Pékin que la Chine pouvait faire ce qu’elle voulait de Taipei.(83). « L’incompréhension de ces problèmes en Europe est totale » assène Thérèse Delpech.

Elle n’est pas non plus tendre avec la diplomatie française faisant remarquer : « Quand on parle de multipolarité au XXI° siècle, on oublie donc l’expérience européenne où l’équilibre des puissances n’a cessé d’échouer pour basculer dans la guerre. » (229)

Ces quelques lignes donnent un pâle idée d’un livre ambitieux et profond, l’un de ces ouvrages dont on a l’étrange certitude qu’il fera date et ne sera pas, sitôt publié, balayé par le tourbillon du quotidien. Certains reprocheront à Thérèse Delpech son ton volontiers péremptoire. Ils lui feront, sans peut-être le savoir, le plus beau des compliments. Car ce reproche était déjà fait, en son temps, à une femme avec qui, par l’étendue de son savoir et l’exigence de sa pensée, elle a de mystérieuses affinités, Hannah Arendt.

Paul Ink le 1° janvier 2006

(1) Thérèse Delpech, L'ensauvagement, le retour de la barbarie au XXI° siècle, 2005, Grasset
(2) Thérèse Delpech, Politique du chaos, l'autre face de la mondialisation, Seuil, 2002
(3) Hannah Arendt, traduction française « La crise de la culture » , Gallimard 1972, réédition folio essais

Un héros de notre temps

Un collègue de travail et ami m'a fait découvrir un admirable écrivain russe, Michel Lermontov (1814-1841) mort à 27 ans dans un duel, 3 ans donc après Pouchkine qui avait eu l'outrecuidance de vivre jusqu'à... 38 ans, âge canonique pour les écrivains de cette génération . Lermontov avait commencé un roman qui aurait pu être "Le Rouge et le Noir" de son époque et de son pays, "La princesse Ligovskoï" mais il en interrompit la rédaction après son exil dans le Caucase suite à un poème violemment anti-autocratique écrit après la mort de Pouchkine et qui fit le tour des salons de Petersbourg et de Moscou. Cela nous valut le roman "caucasien" qui le rendit à jamais célèbre et qui porte ce si beau titre : "Un héros de notre temps".

Si un grand peuple se définit d'abord par sa grande littérature, alors assurément le peuple russe est un peuple immense. Mais il est troublant de constater combien le despotisme, et ce jusqu"à aujourd'hui, a été le seul mode de gouvernement de ce pays. Certes l'autocratie tsariste est une douce galéjade comparé à la terreur bolchevick. Mais comment ne pas voir la continuité qui règne en maitresse dans l'arbitraire qui s'abat sur les intellectuels et les écrivains. Tel déplait, il est exilé dans le Caucase ou en Sibérie et la vie suit son cours.

Par une sorte de mystère effrayant c'est ce pays, qui n'avait pas la moindre tradition démocratique et qui fut le dernier en Europe à abolir le servage que l'histoire choisit, cruellement, pour une "expérience socialiste" jonchée de cadavres. Rien ne fut simple en Europe dans l'accès à la modernité sauf en Angleterre peut-être. Que l'on songe à la Révolution française (qu'il faut peut-être prendre "comme un bloc", comme disait Clémenceau, c'est à dire y compris avec les ignobles massacres de septembre) et à la suite des coups d'Etats, tout cela pour aboutir à "L'étrange défaite"( Marc Bloch) de 1940, que l'on songe à la réunification italienne qui aboutit après la marche sur Rome au fascisme ou bien encore à l'effondrement de la République de Weimar en 1933. En Espagne, il faudra attendre la mort de Franco en 1975 pour que le pays devienne une démocratie politique.

Contrairement à un illusion rétrospective, l'Europe s'est lentement et difficilement, frayé un chemin vers la modernité et la démocratie. Mais par une de ces "ruses" dont elle est coutumière, l'histoire n'a pas laissé longtemps l'Europe jouir de ces bienfaits. Bientôt s'abattent sur elle l'insécurité, l'immigration incontrôlée, l'islamisme, le terrorisme contre lesquels elle n'est pas de force à lutter. La démocratie européenne risque de n'être qu'une illusion de courte durée tandis que ce cap avancé du continent asiatique se retire de la scène de l'histoire sur la pointe des pieds. Où serait et que ferait aujourd'hui un héros de notre temps ?

Bonne et heureuse année 2006 à mes nombreux lecteurs

Paul Ink Le 1° janvier 2006