vendredi, mai 20, 2005

Même les capitalistes sont mortels !

Certes François Pinault est une hyène capitaliste et un infâme affameur du peuple. Il n'en est pas moins un homme, c'est à dire un animal qui sait qu'il a rendez-vous avec la mort et il a fait savoir aux autorités qu'une inauguration post mortem de sa fondation, ça ne le faisait pas trop. Il a aussi, peut-on penser, voulu dire autre chose.

Faire savoir que lui aussi est triste d'assister au spectacle de "la France qui tombe" pour citer le petit livre d'un auteur, Nicolas Baverez pour qui le blogueur qui s'exprime a la plus haute estime. Avec l'effondrement du terminal de Roissy, digne d'un pays du tiers-monde, le fiasco de l'ile Seguin dit beaucoup sur le mal dont souffre la France. Et ce mal est si profond que le pays devrait logiquement voter non à la constitution européenne. Voilà donc une France qui dit non ! Et qui croit que ce non est celui de Jeanne d'Arc ou de de Gaulle quand c'est le non à l'Europe, non au mécénat, non à l'avenir. Quelle tristesse, en effet, de voir ce pays prendre des airs de Don Quichotte pour aller droit vers son déclin. Que l'on songe à l'Angleterre de Blair, à l'Espagne qui devient l'un des grands pays de l'Europe, à l'Italie, à l'Allemagne engagée dans de douloureuses mais nécessaires réformes, tous ces pays vont mieux que la France. Il faudra un sursaut immense pour sortir de l'ornière. Les Américains ont cessé d'avoir de l'estime pour la France depuis la débacle de juin 40. Ils ont toujours refusé de croire à la geste gaullienne et au mythe de la France résistante. Peut-être le pays, après Sedan, après juin 40 est-il de nouveau rattrapé par ses plus mauvais démons. Certes, notre défaite actuelle n'est pas militaire mais on peut lire aujourd'hui l'étonnement et parfois la stupéfaction sur le visage de bien des européens devant l'image que donne la France.

On entend dire que derrière la décision que vient de prendre François Pinault de quitter l'ile Seguin pour Venise, il y aurait de sombres réglements de comptes avec certains responsables français coupables de ne l'avoir pas soutenu dans l'affaire Executive Life. Je ne sais s'il y a quoi que ce soit de vrai dans une telle rumeur. C'est plutôt un cri du coeur que poussait hier François Pinault dans les colonnes du Monde : un milliardaire aussi vieillit et il en est même qui meurent. On est en droit de penser que c'est avec regret qu'il renonce à ouvrir en France la fondation dédiée à l'art contemporain dont il rêve depuis tant d'années. Mais comment réaliser ses rêves dans un pays qui ne rêve plus?

Paul Ink le 10 mai 2005