lundi, janvier 31, 2005

Vive le peuple irakien !

Bien que Dominique de Villepin ne nous ait pas encore donné son avis sur les élections en Irak, je vais risquer le mien : je suis heureux ! Heureux que, dans leur majorité, les Irakiens aient eu le courage d'affronter Zarkaoui et ses tueurs qui hurlent leur haine de la démocratie, heureux que Georges Bush ait tenu bon sur la date des élections parce que tout report aurait été considéré comme une victoire par les terroristes (qu'on m'excuse si je ne dis pas "résistants") et donc les aurait renforcé, heureux qu'il y ait enfin une bonne nouvelle sur cette terre d'Irak gorgée du sang de tant d'innocents.

Je fais partie des rares français qui ont publiquement soutenu l'intervention anglo-américaine en Irak. J'accepte l'idée américaine selon laquelle "depuis le 11 septembre 2001, les problèmes du monde arabe sont devenus nos problèmes". Et les problèmes du monde arabe s'appellent despotisme, corruption, absence de libertés publiques, oppression des femmes. Je regrette profondément que l'intervention ait été faite au nom de la recherche d'armes de destruction massive (ADM) qui n'ont jamais été trouvées. Il n'est pas de question plus sérieuse que celle des ADM dans le monde qui vient et, en conséquence, c'est rendre un mauvais service à l'opinion publique internationale que de la galvauder. Celles et ceux qui n'en sont pas convaincus devraient lire "Politique du chaos" de Thérèse Delpech (Seuil, 2002), l'un des meilleurs "état du monde" publiés depuis le 11 septembre.

Dans une interview à Vanity Fair (9 mai 2003), Paul Wolfowitz avait expliqué que les ADM n'avaient été mises en avant que parce que ce sujet faisait l'unanimité dans l'administration américaine. Il ne disait nullement, comme certains ont voulu le croire, que cette histoire d'ADM était un vaste pipo. Tout le monde à l'époque dans les services secrets occidentaux était convaincu que Saddam avait des projets plus ou moins avancés dans le domaine des ADM. P.W. expliquait que les E.U. devaient quitter l'Arabie saoudite et que la nécessaire présence américaine au Moyen-Orient poussait à occuper son "ventre mou", l'Irak de Saddam, une des pires dictatures que la terre ait jamais porté, responsable de la longue et meurtrière guerre avec l'Iran puis de l'invasion du Koweït, de la répression sanglante, enfin, des chiites et des kurdes.

Malgré les médias français, qui voyaient les forces américaines enlisées en Irak après 24 heures de guerre, la campagne proprement militaire n'a duré que trois semaines et le régime baasiste s'est facilement effondré. D'emblée pourtant, la stratégie américaine d'après-guerre est devenue trouble : pourquoi laisser faire les pillages à Bagdad alors qu'ils auraient pu facilement être évités ? Pourquoi surtout dissoudre l'armée irakienne au risque d'être dans l'impossibilité de contrôler les frontières et de se faire les ennemis de centaines de milliers de familles. Certains soutiennent encore aujourd'hui qu'il n'était pas possible de se débarrasser seulement de quelques généraux compromis car toute l'armée devait être désaddamisée et débaasisée. Seul l'avenir tranchera. Ce qui est certain, contrairement à ce que croient beaucoup de médias européens, c'est que les néo-conservateurs étaient désolés de la manière dont Donald Rumsfeld et le Pentagone géraient l'après-guerre. Cela n'a pas empêché les meilleurs observateurs français (cf Alain Frachon et Daniel Vernet, L'Amérique messianique, Seuil 2004) de tirer un trait d'égalité entre néo-cons et Rumsfeld. Passons...

Je ne suis pas parano mais un petit peu quand même. Les médias français sont tellement aveuglés, il n'y pas d'autre mot, par leurs préjugés qu'ils avaient tous parié (espéré ?) que ces élections seraient un immense fiasco. Plus gênant, on a l'impression que chaque attentat leur fait plaisir et que leur souhait le plus cher est de voir triompher les fanatiques de la terreur. Est-ce de la haîne de soi ? De la bêtise ? Je ne parviens pas à savoir mais je suis sûr d'une chose : je n'ai plus confiance dans ce que raconte la presse française car elle est incapable de faire la différence entre ce qu'elle souhaite voir et ce qu'elle voit, bref elle prend ses désirs pour des réalités, le plus grand des péchés pour un journaliste. Nous sommes quelques uns à avoir ce sentiment très désagréable qu'une novlangue bien française, bien unanime, bien impoyable rend compte sans partage des évènements.

Cette situation est liée au fait suivant : entre la politique américaine (brutale, inefficace, stupide, impérialiste) et la ligne terroriste (née du désespoir mais condamnable), il y aurait la ligne juste, celle de la France. Quelle est donc cette ligne ? Menacer les Etats-Unis du droit de véto à l'ONU et maintenir à tout prix le statu quo dans la région ! Il y a une pensée de Pascal qui dit à peu près ceci : la force sans la justice c'est l'arbitraire, la justice sans la force, c'est l'impuissance. Dans le meilleur des cas, la politique française, c'est l'impuissance. Il nous reste le pouvoir de nuisance contre l'allié américain, domaine dans lequel nous avons véritablement fait le maximum.

Mais j'en reviens à l'Irak. Déjà on évoque la faiblesse du vote sunnite, les divisions entre chiites laïques et religieux, la volonté d'indépendance des Kurdes, le spectre de la guerre civile. Et, malheureusement, cela est bien possible. Comme il est bien possible que la démocratie ne s'exporte pas au Moyen-Orient par les armes. En attendant, du fond de mon douillet confort occidental, je lève mon verre au peuple irakien, aux hommes et aux femmes d'Irak !

Paul Ink le 31 janvier 2005

1 Comments:

At 4 novembre 2005 à 04:44, Blogger Roberto Iza Valdés said...

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

 

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