jeudi, juillet 14, 2005

La vie commence après la mort

La polémique entre Nicolas Sarkozy et son homologue britannique Charles Clarke sur les auteurs des attentats de Londres n'est pas encore tranchée. Elle porte sur le fait de savoir si oui ou non "une partie de cette équipe" avait fait l'objet d'une arrestation "aux alentours du printemps 2004". Il est clair, en tout cas, que le fonctionnement de cellules pas ou peu repérées par la police et dont les membres possédent la nationalité du pays et semblent vivre des vies banales constitue une arme redoutable et à un double point de vue.

Le premier, on vient de le voir est la difficulté pour la police d'identifier ces individus et, exercice presque impossible, de les arrêter au bon moment : ni trop tôt, ni trop tard. Le second est bien entendu le choc que représente cette découverte pour le pays d'accueil : des jeunes gens élevés chez nous, des Anglais ! Ainsi les avantages techniques sont indissociablement mêlés à des bénéfices politiques, l'objectif étant de susciter des affrontements inter-communautaires et un climat de guerre civile.

Mais revenons un instant à la polémique Sarkozy/Clarke. Elle porte sur une question fondamentale et qui doit être discutée devant les opinions publiques sinon dans le détail des opérations policières au moins dans le principe des stratégies à adopter. Les polices des différents pays européens ont repéré, avec plus ou moins de célérité et d'efficacité, des activistes musulmans qui voyagent beaucoup à des fins religieuses ou politiques et qui reviennent au pays. Ainsi l'un des quatre jeunes musulmans de Leeds aurait voyagé au Pakistan et en Afghanistan dans les six derniers mois. Au Pakistan dira-t-on, rien que de très normal, il était d'origine pakistanaise mais il serait intéressant de savoir ce qu'il y a précisément fait; en Afghanistan, c'est déjà plus suspect même si, je le suppose, nullement interdit. D'autres fréquentent des mosquées connues pour leur radicalisme. Chaque pays européen compte ainsi quelques centaines ou milliers de ces djihadistes parmi lesquels peuvent se recruter des organisateurs d'attentats ou des candidats à l'attaque-suicide. La surveillance de ces groupes mobilise partout en Europe des moyens importants mais peu coordonnés.

Un problème va devenir grandissant au fur et à mesure que les attentats vont se multiplier en Europe, ce qui est possible sinon probable : comment continuer à vivre jour après jour à côté de cette nébuleuse de djihadistes repérés comme tels, protégés par leur nationalité et assurés de l'impunité ou presque dans leur travail de propagande ? Les pays européens seront dans l'obligation, tôt ou tard, de disposer d'une législation unifiée leur permettant d'arrêter ou de déchoir de leur nationalité et d'expulser des personnes qui travaillent aussi ouvertement à la destruction de la paix civile, à la culture de la haine et de la mort et qui doivent être les premières étonnées de la mansuétude avec laquelle on les traite.

Autre exemple de notre retard face à cette menace alors que des formes bien plus graves d'attentats sont probablement en préparation : la conservation des données téléphoniques pendant trois ans (expéditeur, destinataire, horaire, durée, lieu MAIS pas le contenu), un projet jugé indispensable par de nombreux pays n'est toujours pas adopté car l'unanimité est nécessaire et l'Allemagne, l'Autriche et la Finlande y sont opposées. Avec quelle délectation ceux qui veulent faire régner la terreur en Europe doivent-ils assister à ces débats ?

Mais la naïveté suprême consisterait à penser que des mesures de police aussi intelligentes soient-elles viendront à bout de l'islamisme radical. Que l'Europe ait à penser cette menace depuis les attentats de Madrid du 11 mars 2004 est une évidence et le chemin sera long avant que l'efficacité soit au rendez-vous. Mais il faut aussi mener la bataille des idées contre cette vision du monde qui est convaincante au point de pousser des jeunes gens à mourir pour elle en tuant autant de victimes civiles qu'il est possible. Et, là aussi, tout reste à inventer tant nous sommes intellectuellement démunis. Qu'est-ce que nos sociétés désenchantées ont à dire à ceux qui veulent mourir en martyrs et pour qui la vie commence après la mort ?

François Heisbourg, président de l'Institut international d'études stratégiques de Londres écrit : "Comment devient-on terroriste ? Comment passe-t-on d'une vie pratiquement ordinaire à une situation dans laquelle on est prêt à se faire sauter et à tuer des centaines voire des milliers de ses compatriotes ? C'est un pas énorme qui est franchi en Afghanistan, en Tchétchénie, en Irak. Il est possible d'y faire des stages pour franchir ce pas, pour monter les marches d'escalier vers le terrorisme. L'aventure américaine en Irak a créé la plus dangereuse de ces marches d'escalier." Cher François Heisbourg, vous souvient-il qu'il n'a été besoin ni de l'Afghanistan, ni de la Tchétchénie (je ne sais d'ailleurs pas ce qu'elle vient faire là) ni de l'Irak pour qu'un certain 11 septembre 2001 l'Amérique soit frappée par un formidable acte de guerre ? Et les marches d'escalier dont vous parlez n'ont alors nullement eu besoin de la guerre en Irak pour être gravies. Quoi qu'on pense de la guerre américaine, elle est une REPONSE au terrorisme de masse des fous de Dieu. Cessons donc, de grâce, de confondre l'effet et la cause !

Paul Ink le 15 juillet 2005 (les informations utilisées proviennent du Monde daté du même jour)

1 Comments:

At 23 octobre 2005 à 14:36, Anonymous Anonyme said...

Je m'étonne que Tu n'aies pas relevé l'étonnante réaction d'un peuple européen (les espagnols), face à leurs dirigeants défaillants, comme tant d'autres;
Car pour une fois on manifestait non pas pour les avantages sociaux, ou les revendications purement matérialistes, mais tout simplement pour - enfin- réprimander et répudier le gouvernement menteur.
Moment enthousiasmant pour beaucoup européens surtout à une époque, où les syndicats français manifestent pour le maintien des fêtes religieuses, comme le lundi de Pentecôte: je ne savais pas les hommes de gauche si catholiques!

 

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