vendredi, juillet 08, 2005

Nous sommes tous londoniens

Le terrorisme aveugle a donc de nouveau frappé une grande capitale européenne semant la mort, la souffrance et le deuil dans le coeur de tout un peuple. Depuis le 11 septembre et plus encore la guerre en Irak, les responsables politiques anglais n'avaient pas menti sur le risque d'attentats terroristes et un sondage récent indiquait que 75% des Anglais s'attendaient à être frappés par les fous d'Allah. Cela étant, de nombreuses questions se posent :

Tout d'abord, la politique anglaise vis à vis des extrèmistes islamistes qui ont longtemps eu pignon sur rue dans le Londonistan reste assez incompréhensible. L'Angleterre est le pays même des libertés, ce pays dans lequel, selon la formule célèbre, "la maison de chaque anglais est un chateau-fort", celui où, selon une autre formule, "lorsque l'on frappe à cinq heures du matin, ce ne peut être que le laitier", celui qui n'a toujours pas de carte d'identité. Que les islamistes mais aussi les opposants aux divers régimes autoritaires arabes aient trouvé refuge à Londres pouvait s'entendre avant le 11 septembre. Après, c'est plus difficile à concevoir. Avec la guerre en Irak, ce devient impossible. J'imagine bien que les services anglais surveillaient les sympathiques zélotes qui veulent mettre l'Occident à feu et à sang. Mais n'a-t-on pas été trop tolérant ?

Le piège des islamistes est simple dans son principe et horriblement complexe dans sa réalité : prendre les pays d'ouverture et de liberté au piège de la fermeture et de l'arbitraire. Or les pays occidentaux n'auront pas le choix. Toutes les techniques modernes de flicage seront légitimement employées pour arrêter le bras de criminels dont le premier souçi est d'avoir 100% de victimes civiles. Mais, ce faisant, nous prenons bien entendu le risque de fragiliser les libertés. Il faut donc un large débat dans les sociétés européennes sur ces questions. Car libertés (un mot auquel Raymond Aron aimait mettre un pluriel) et sécurités forment une dialectique complexe : la première des libertés, pourrait-on facilement plaider, c'est la sécurité. Et pour revenir sur un débat qui a largement alimenté nos réflexions d'européens depuis vingt ans que la délinquance a explosé en Europe : vit-on dans un pays libre lorsque l'on risque d'être agressé dans la rue surtout si l'on est vieux, lorsqu'une femme seule renonce à sortir seule le soir, lorsque le quidam moyen va au ditributeur de billets de banque avec un sentiment de vulnérabilité ? D'un autre côté le renforcement des contrôles, l'intrusion dans la vie privée, l'affaiblissement des règles du droit peuvent à tout moment devenir un danger pour la démocratie, "le pire des régimes à l'exception de tous les autres" (Sir Winston). Plutôt que de hurler à l'assassinat des libertés, les marginaux de tous poils, mes amis, devraient comprendre qu'ils sont et seront les premières victimes de cette guerre aux libertés que mènent les islamistes.

La "stratégie de la tension" est explicitement recherchée par les islamistes. L'un des buts de ces attentats est bien de créer des tensions et, si possible, des affrontements entre autochtones et populations issues du monde arabo-musulman. Le projet de guerre civile est explicite. Ce faisant, les penseurs de cette stratégie jouent sur du velours. Aujourd'hui 90 pour le pas dire 95% du terrorisme mondial est islamiste. Tous les pays européens ont, sur leur sol, de vastes populations arabes. Une minorité est radicalisée par un islam militant et intégriste et une plus petite minorité encore par une volonté de porter le Djihad. C'est à l'intérieur de ce dernier groupe que se recrutent les exécutants directs des attentats. Mais grâce à ce système de poupées russes, ils sont "comme un poisson dans l'eau" pour paraphraser le Président Mao. En réalité, seul un miracle de fatigue historique, de culpabilité post-coloniale et d'un mélange de pacfisme et d'intelligence politique explique que, malgré quelques rares débordements, les attentats de la gare d'Atocha n'aient pas provoqué de pogroms anti-marocains ni l'assassinat de Théo Van Gogh en Hollande une vague de violence anti-immigré.

Les sociétés arabo-musulmanes sont des sociétés mono tandis que les sociétés occidentales sont toutes devenues multi (ethniques, religieuses, culturelles). Le pari de la viabilité de telles sociétés "multi" ne va pas de soi. Qu'il soit un échec et c'est l'intolérance et le fanatisme qui auront gagné. Voila une autre raison de maîtriser les flux migratoires et d'assumer urgemment une immigration non pas subie mais choisie. Il faut tout faire pour déjouer le piège islamiste et cesser de nous réfugier dans un angélisme hors de saison. L'Europe a largement de quoi assurer pour quelques générations sa diversité. Son souçi doit maintenant être de mener une politique efficace de lutte contre l'immigration clandestine et de contrôle des flux. Malek Boutih a fait, sur ces questions, des propositions de bon sens.


Les islamistes souhaitent terroriser les sociétés occidentales et sont persuadés que leur cruauté (qu'ils n'ignorent pas) est mise au service d'une cause juste, la défense de l'Islam et du monde arabe agressés par l'Occident. Il serait donc naïf de croire que la seule vision des attentats, de leur cortège de victimes innocentes, de morts et de blessés, et de familles brisées par la perte d'un proche ou d'un ami soit de nature à changer quoi que ce soit à la détermination des tueurs. En réalité, c'est bien à un choc des civilisations qu'appellent les djihadistes comme l'avaient vu avec lucidité Bernard Lewis et Samuel Huntington. Les européens, les occidentaux doivent cesser de cultiver l'art de la dérision, si proche de l'esprit du nihilisme. Ils doivent retrouver le sentiment de la fierté, non pas une fierté aveugle, comme celle qu'a produit le nationalisme cocardier, non pas une fierté qui nie l'histoire, celle de la domination du monde par l'Occident après les grandes découvertes puis l'aventure coloniale, mais une fierté "civilisationnelle". Les Anglais dont le courage n'est plus à démontrer, les londoniens qui subirent les bombardements allemands pendant la guerre avec un flegme admirable puis les attentats de l'IRA pendant deux décennies sont les mieux placés pour nous montrer le chemin de cette fierté nouvelle. Oui, aujourd'hui, nous sommes tous londoniens.

Paul Ink le 8 juillet 2005

4 Comments:

At 9 juillet 2005 à 16:02, Anonymous Anonyme said...

Arretons de mégoter:
Faisons sauter La Mecque,attribuons le carnage aux jihadistes, et laissons les saoudiens règler le souci!!!

 
At 14 juillet 2005 à 22:55, Blogger Paul Ink said...

Parmi les nombreux commentaires portant sur mon dernier texte "Nous sommes tous londoniens", je relève celui qui nous exhorte à cesser de "mégoter". L'auteur de cette remarque ne croit pas si bien dire. S'il a la curiosité d'ouvrir le petit livre de Bruno Tertrais "La guerre sans fin, l'Amérique dans l'engenage" (La République des Idées, Seuil, 2004) aux pages 73 et 74, il y verra que certains extrèmistes religieux américains ont proposé de détruire La Mecque et Médine en cas de nouveau 11 septembre aux Etats-Unis.

 
At 2 novembre 2005 à 18:29, Blogger Roberto Iza Valdés said...

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

 
At 2 décembre 2005 à 00:02, Anonymous Anonyme said...

est-ce que ce n'est pas précisément dans ces moments de crise qu'il faut s'en tenir aux principes (plutôt que de cèder au "pragmatisme" policier ou militaire...)

 

Enregistrer un commentaire

<< Home