dimanche, juin 19, 2005

Otages : le malaise

Comme des millions de Français, je me suis réjoui de la libération de Florence Aubenas et de son guide Hussein Hanoun. Je voudrais qu'il n'y ait là dessus aucune ambiguité. Mais cela ne m'empêche pas d'éprouver une gêne persistante devant toute cette affaire.

Ainsi "Libération" du lundi 13 juin 2005 présente une photo de chacun des deux otages que barre, en bas de page, un "merci" (entre guillemets). Ce qui est embarrassant, et Libération ne peut l'ignorer, c'est que ce merci s'adresse à tout le monde et à personne. Il s'adresse donc aussi un peu (beaucoup ?) aux preneurs d'otages qui ont accepté de négocier et, ce faisant, ont sauvé la vie de "Florence et Hussein". Malaise.

Dans son édition du 13 juin, Le Figaro note que "l'ambassadeur de France, Bernard Bajolet a jeté hier un pavé dans la mare en s'interrogeant sur "l'impact de la campagne médiatique pour la libération des otages". "Si elle part de bons sentiments, on peut se demander si elle sert vraiment à leur libération" a-t-il dit. D'autres négociateurs confirment que la mobilisation populaire, même si elle est indispensable dans les premiers temps, peut devenir contre-productive si elle est trop vocale. "Un dosage est nécessaire, car une mobilisation trop forte ne poussait pas les preneurs à conclure un accord" selon une source proche du dossier Aubenas."

La prise d'otages de journalistes travaillant pour de grands médias occidentaux est une excellente affaire politique et financière pour les ravisseurs puisqu'ils sont assurés de voir l'enlèvement couvert d'abord par le média dont le (la) journaliste a été enlevé(e) puis, solidarité oblige, par l'ensemble des médias du pays considéré et très au delà. Ce qui leur permet ensuite de fixer confortablement les enchères. Belle manière de prendre au piège les sociétés démocratiques. Il ne s'est passé que quelques jours entre la fin de la prise d'otage de Chesnot et Malbruno et le début de celle d'Aubenas. A qui le tour ?

Le Monde daté du 15 juin rapporte que les services de renseignements roumains ont identifié le groupe qui a enlevé les trois journalistes roumains (détenus un temps avec Florence Aubenas) et qu'on y trouve un frère de Mohammad Munaf, le guide irakien de ces journalistes ! Ce n'est plus "malaise" qu'il faut écrire mais "écoeurement" ou "dégoût". D'autant que les rançons servent à organiser de nouveaux enlèvements dans une sorte de spirale sans fin.

Paul Ink le 19 juin 2005

PS : Le Figaro du 15 juin publie une interview de Bertrand Dufourcq, ancien secrétaire général du Quai d'Orsay. Il y explique que "nous avions il y a encore dix ans près de 20 000 agents français présents dans le monde pour les missions de coopération culturelle, scientifique ou technique. Aujourd'hui, "grâce" aux coupes drastiques décidées au cours des dernières années, ils ne sont plus que 1500 ! " Le saviez-vous ?