samedi, juin 18, 2005

Pour Blair

"Chaque matin, quand je me réveille, ce qui me frappe le plus, c'est tout simplement la vitesse du changement." (Tony blair)

"Right or wrong, my country" disait Winston Churchill. Je ne vais malheureusement pas être capable de suivre cette belle maxime. Car dans la querelle entre la Grande-Bretagne et la France, j'ai bien la conviction que c'est mon pays qui a tort.

Il y a un débat fondamental derrière le conflit portant sur le montant de la contribution britannique depuis le fameux "I want my money back" de Margaret Thatcher en 1983 ou 4 versus le poids vertigineux de la Politique Agriciole Commune dans le budget européen : 40% si ma mémoire est bonne. En tout cas, je n'ai entendu personne contester l'affirmation de Tony Blair selon laquelle la contribution de la Grande-Bretagne au budget communautaire était deux fois et demi celle de la France. Certes, les égoïsmes nationaux risquent de paralyser durablement l'Europe dont Blair dit qu'elle "court le danger d'être un animal évoluant très lentement dans une jungle pleine d'antilopes." (le Figaro du 15 juin 2005). Mais l'essentiel n'est pas là.

L'essentiel est, bien entendu, dans la manière dont l'Europe peut sortir de la crise provoquée par le double non français et néerlandais. Quelles perspectives les dirigeants politiques doivent-ils dessiner ? Notons tout d'abord le paradoxe suivant : le travailliste Blair, adepte du libéralisme, serait à la droite du conservateur Chirac, partisan du modèle social. C'est du moins ainsi que, majoritairement, les Français présentent l'affaire.

Les Anglais, eux, disent plutôt : le parti du progrès et du mouvement, qui répond aux inquiétudes des européens, "pression de la mondialisation" et questions "de sécurité, de criminalité, d'immigration" (Le Monde en ligne du 19 juin) sans oublier les défis de l'avenir ("Nous devons consacrer notre argent à la science, à la technologie, au savoir-faire, à l'aide aux petites entreprises...") face au conservatisme de ceux qui ne veulent rien changer à un budget qui reflète les priorités des années 60 tout en refusant d'entendre les peurs et les angoisses de leurs concitoyens.

Eh bien, entre les deux thèses, je choisis sans hésiter l'anglaise qui me semble effectivement tracer les voies de l'avenir. Et, au risque d'être accusé de me laisser berner par la propagande de la perfide Albion, je crois qu'il s'agit bien d'un conflit entre le passé et l'avenir, du moins si les européens veulent encore exister sur la scène du monde.

Au reste, la fin de règne de Chirac est désormais patente (est-ce aussi de cela que les électeurs français voulaient s'assurer : pas même la possibilité d'un chantage à un troisième mandat ?) et on pourrait bien assister dans deux ans, après l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République, à un rapprochement spectaculaire entre la France et l'Angleterre. D'ailleurs, la constitution européenne est désormais "gelée" au delà de la présidentielle française. Comme le dit Tony Blair : de cette crise pourrait naître un bien. Il faut le souhaiter pour l'homme malade de l'Europe qu'est désormais la France.

Paul Ink le 19 juin 2005