dimanche, février 06, 2005

La trace des morts

Une amie proche est morte terrassée en quelques semaines par un cancer foudroyant. Elle avait 57 ans. Toutes deux monteuses de films, ma femme et elle étaient très liées. Lorsque quelqu'un qu'on a aimé, avec qui on a passé du temps et dont on connait un peu l'existence disparait, on est scandalisé de voir la vie continuer comme avant. Cette idée d'effacement, comme si rien n'était arrivé sauf pour le cercle étroit des proches est horrible. Et l'on sait qu'il en sera ainsi à sa propre mort.

Cette disparition de l'être aimé ou de l'ami est si insupportable à nos sociétés désenchantées que se sont progressivement rodées des cérémonies laïques qui commencent à avoir une certaine tenue. Ainsi la crémation de notre amie a été précédée d'un moment de recueillement où des personnes proches ont lu des textes écrits par eux, joué de la musique, lu un écrit littéraire tandis que ces interventions étaient ponctuées de morceaux de musique choisis avec soin.

Il y a quelques années, le journal Le Monde a pris une grande décision, celle de consacrer de petites notices biographiques à des personnalités de second ordre. Avant, seules les personnages considérables, grands politiques, écrivains, artistes, scientifiques avaient droit à une (longue) notice. Désormais les seconds couteaux ne disparaitraient pas dans l'anonymat. Mais pourquoi pas un troisème cercle ? Où commence la lumière ?

J'imagine que dans quelques années ou décennies, au moins en Occident, nul ne mourra sans que soit publié ou accessible sur la toile un document comportant des photos, des textes du mort (son blog par exemple), des témoignages etc. On ne supportera pas, précisément parce que la mort est un sommeil éternel, que les traces de la vie de quelqu'un disparaissent aussi complètement que de nos jours.

Cela ne changera peut-être pas grand chose à la dimension de la mort dans la vie mais rendra peut-être plus acceptable notre incroyance si lourde à porter.

Paul Ink le 11 février 2005

1 Comments:

At 5 mars 2005 à 08:47, Anonymous Anonyme said...

HELENE VIARD N'ETAIT NI PROCHE DE VOUS , NI VOTRE AMIE ,NI UN SECOND COUTEAU.
L'ELOGE FUNEBRE EST UN ART DIFFICILE LORSQU'IL N'EST PAS SINCERE.

 

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